SAHEL, sur les traces d'Emile Nieger.
Entre 1890 et 1910, le lieutenant Emile Nieger, topographe militaire français, a réalisé un travail de documentation photographique pendant la campagne de « pacification coloniale » au Sahel. Ses albums figurent parmi les collections du musée de l'Armée à Paris. Depuis, la présence de l'armée française dans cette région qu'elle n'a jamais quitté, semble être un éternel recommencement, une guerre intemporelle, impossible.
En novembre 2019, j'ai suivi une opération de lutte contre les « groupes armés terroristes » au sahel (Opération Bourgou IV), embarqué avec des militaires français pour ma rédaction du journal Le Parisien. J'ai photographié cette guerre sans comparaison ni opposition avec la période du lieutenant Neiger, mais dans une continuité historique, avec un regard journalistique. J'ai choisi comme procédé photographique le format panoramique noir et blanc, afin de porter cette vision d’un conflit qui s’étend à la fois sur le temps et sur un territoire grand comme cinq fois la France, une guerre XXL, avec ses paysages à perte de vue, ses conditions extrêmes et hostiles. Parce que j’avais besoin aussi de ce processus argentique pour retrouver un rapport au temps, à une photographie matérielle, à une forme d'effort et de solitude nécessaire, peut être comme l'a vécu le lieutenant Nieger, qui nous a légué incontestablement un héritage, une trace, en racontant à travers son prisme l'histoire sombre du Sahel et plus largement l'histoire de l'Afrique de l'Ouest, liée, malgré elle et au cours des siècles, à l'histoire de France.